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Le conte du petit loup qui se sentait toujours en colère

Il était une fois, dans une famille de loup, un louveteau qui se sentait fréquemment habité par des colères terribles. Quand je dis « habité », je veux dire que lorsqu’une colère se déclenchait en lui, tout son corps se mettait à vibrer, comme secoué par des décharges électriques, prêt à exploser.

La meilleure image qui me vient à l’esprit est celle d’une marmite pleine, posée sur un grand feu et dont l’eau en train de bouillir soulève le couvercle et menace de déborder à chaque instant !

Vous allez certainement me demander comment ces colères survenaient dans le corps de ce louveteaux.

Qu’est-ce qui pouvait bien les déclencher ou les réveiller ?

Nous allons essayer de comprendre ensemble ce qui se passait, tout à l’intérieur de Charles, le petit louveteau.

 

Inutile d’ajouter que ces colères inquiétaient beaucoup ses parents, ses enseignants aussi- oui, j’ai oublié de vous dire qu’il allait à l’école et que là aussi ses colères étaient connues de tout le monde !

Progressivement ses meilleurs amis s’éloignaient de lui. Même sa meilleure copine qui l’aimait beaucoup avait un peu peur de lui quand elle le voyait en colère, serrant les poings, les yeux furieux, la mâchoire serrée, tout le corps en avant prêt à foncer sur celui ou celle qui poserait la patte sur lui!

Ce qui était difficile pour ses parents ou son entourage, c’est qu’ils ne voyaient pas toujours l’élément déclencheur – vous savez, ce petit événement, un geste, une parole, un simple regard qui, tel un détonateur, mettait le feu aux poudres de la colère à l’intérieur du petit loup.

Au début, ses parents pensaient qu’il était, comme on dit, un « paquet de nerfs », qu’il était « susceptible », qu’il n’était « jamais content », bref, ils déposaient sur lui des appréciations pas toujours agréables.

Ils avaient bien repérés quelques signaux qui mettaient en rogne le petit loup. Ainsi, lorsque sa maman s’occupait de son petit frère ou de sa sœur, lorsqu’on lui faisait une remarque sur son comportement, lorsqu’on ne répondait pas tout de suite à ces questions ou qu’on lui refusait quelque chose, Hop, crac, boum, la colère montait et le faisait exploser!

De même, quand il n’arrivait pas à faire quelque chose tout seul, comme monter sur une chaise et essayer d’attraper un livre dans la bibliothèque de son père, retirer ses chaussures comme un grand, enfiler un pull-over sans avoir besoin d’aide, dans ces moments-là d’un seul coup sa colère emplissait toute la maison!

Ce que ses parents ne savaient pas, c’est que ce petit loup avait plein de questions et surtout de doutes en lui. Il savait bien qu’il avait un frère et une sœur, mais il n’était pas sûr que ses parents soient ses vrais parents. Ce genre d’incertitude peut paraître bien curieuse et vous devez vous demander comment ces doutes s’étaient introduits dans sa tête. D’une façon très simple. Il avait entendu son père dire en riant au cours d’un repas avec des amis:

– oh, celui-là, on se demande bien de qui il peut être, avec son poil tout doré ! On est tous bruns dans la famille !

Et depuis ce jour, le petit loup se demandait si son papa était son vrai papa et sa maman sa vraie maman.

Vous devez bien sentir que lorsqu’un enfant loup doute de la place qu’il occupe dans sa famille, il en est très malheureux. D’autant plus malheureux qu’il n’a personne à qui en parler, pour être rassuré, pour vérifier si ce qu’il pense est vrai ou faux. Etre malheureux, cela veut dire qu’on a mal à l’intérieur, très mal parfois. Vous savez, quand on a mal à l’extérieur, qu’on se casse la patte une griffe arrachée, quand on se gratte in avec une branche ou contre un rocher, les blessures se voient tout de suite, on a même pas besoin de le dire, on s’intéresse à nous. Mais quand on a mal à l’intérieur, personne ne le voit. Et puis on a peur des moqueries, peur de ne pas être compris ou encore d’être accusé d’avoir des pensées folles, malsaines…

Alors, je crois que vous l’avez deviné, tout ce malaise, ce mal-être à l’intérieur du petit loup se traduisait par des tensions, de l’angoisse qui s’exprimait par des colères.

La difficulté des parents dans cette situation, c’est qu’ils ne voient que ce qui les gène, c’est-à-dire la colère. Ils n’entendent pas que la colère est une sorte de langage pour tenter de dire ce qu’on ne sait pas ou qu’on ne peut pas dire avec des mots dans la langue des loups.

Je crois que si ce petit loup pouvait parler de ce qu’il ressent avec sa copine par exemple, celle-ci l’aiderait certainement à mieux comprendre ce qui se passe en lui. Mais osera-t-il?

Les petits loups, comme les grands loups d’ailleurs, n’aiment pas paraître faibles ou démunis devant des louves petites ou grandes. Ils se disent: « quand j’ai un problème, je dois le résoudre seul, sans l’aide de personne ! » Alors vous comprenez maintenant que les difficultés de communication entre les hommes et les femmes, je veux dire entre les loups et les louves commencent très tôt!

Contes des petits riens et de tous les possibles, Jacques Salomé.

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